L’impact des perturbateurs endocriniens dans le développement des cancers : quels gestes de prévention adopter ?
L’impact des perturbateurs endocriniens dans le développement des cancers : quels gestes de prévention adopter ?

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?

Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou synthétique capables d’interférer avec le système hormonal de l’organisme. Ils modifient, imitent ou bloquent l’action des hormones, essentielles à la régulation de nombreuses fonctions biologiques. Présents dans notre quotidien, ces composés suscitent des inquiétudes croissantes en raison de leur lien potentiel avec plusieurs pathologies chroniques, notamment certains types de cancer.

Ces perturbateurs peuvent être présents dans des produits de consommation courante tels que les plastiques alimentaires, les cosmétiques, les pesticides, les textiles, ou encore les revêtements anti-adhésifs. Leur omniprésence les rend d’autant plus difficiles à éviter, pourtant les données scientifiques ne cessent de les incriminer dans des processus délétères pour la santé humaine.

Lien entre perturbateurs endocriniens et développement de cancers

Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses études épidémiologiques et expérimentales ont exploré les mécanismes par lesquels les perturbateurs endocriniens peuvent participer à l’apparition de cancers. Leur principal mode d’action repose sur une perturbation du système hormonal, qui joue un rôle central dans la croissance et la différenciation cellulaire. Lorsque l’équilibre hormonal est durablement compromis, certaines cellules peuvent devenir tumorales.

Les cancers dits « hormonodépendants » sont particulièrement concernés. Il s’agit notamment des cancers du sein, de la prostate, des testicules, de l’utérus ou encore de la thyroïde. Ces types de tumeurs sont influencés par les variations d’hormones sexuelles (œstrogènes, testostérone, etc.) ou thyroïdiennes, largement ciblées par les perturbateurs endocriniens.

Par exemple, le bisphénol A (BPA), un composé utilisé dans la fabrication de plastiques, a été associé à un risque accru de cancer du sein. Ce perturbateur est capable de mimer l’action des œstrogènes, favorisant ainsi des phénomènes de prolifération cellulaire anormale au sein du tissu mammaire. Des effets similaires ont été observés avec certains phtalates ou encore les parabènes, également présents dans les cosmétiques.

Quels sont les principaux perturbateurs endocriniens identifiés ?

Parmi les composés les plus étudiés et reconnus pour leurs effets endocriniens, on retrouve :

  • Le bisphénol A (BPA) : longtemps utilisé dans les biberons, boîtes alimentaires et contenants plastiques, il est largement documenté pour ses effets oestrogéniques.
  • Les phtalates : présents dans les emballages plastiques, les produits de soins corporels et les jouets, ils interagissent avec les hormones sexuelles.
  • Les parabènes : agents conservateurs dans les cosmétiques, ils peuvent aussi imiter l’action des œstrogènes.
  • Les retardateurs de flamme bromés : utilisés dans les meubles, textiles et appareils électroniques, ils perturbent le système thyroïdien.
  • Le DDT et autres pesticides organochlorés : bien que certains soient interdits en Europe, leurs résidus persistent dans l’environnement.
  • Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) : dits « polluants éternels », ces composés chimiques aux propriétés anti-taches ou anti-eau sont suspectés d’être cancérigènes.

Chacun de ces composés possède des propriétés biologiques qui affectent différemment les personnes selon leur sexe, leur âge et leur niveau d’exposition.

Perturbateurs endocriniens et périodes de vulnérabilité

L’exposition aux perturbateurs endocriniens est particulièrement préoccupante durant certaines phases clés du développement humain. Ces « fenêtres de sensibilité » incluent la période prénatale, la petite enfance, la puberté et la grossesse. À ces moments, le système hormonal est en pleine activité, et des expositions même faibles peuvent provoquer des altérations durables, augmentant le risque de pathologies à l’âge adulte.

De nombreux experts soulignent que l’initiation de certains cancers pourrait résulter d’événements survenus très tôt dans la vie, voire avant la naissance. Des études animales ont ainsi démontré que l’exposition in utero au BPA pouvait entraîner une transformation prémaligne du tissu mammaire chez la progéniture.

Prévention : quels gestes adopter au quotidien ?

Réduire son exposition aux perturbateurs endocriniens est possible, même si cela demande une vigilance constante. Voici quelques gestes de prévention à privilégier dans votre vie quotidienne :

  • Privilégier le verre et l’inox pour conserver et chauffer les aliments, plutôt que les contenants plastiques.
  • Éviter de chauffer les plastiques au micro-ondes, car cela augmente le relargage de substances chimiques.
  • Choisir des cosmétiques naturels ou labellisés « sans perturbateurs endocriniens ».
  • Limiter l’usage de produits ménagers industriels en se tournant vers des alternatives écologiques ou fait maison.
  • Consommer des produits biologiques, réduisant ainsi l’exposition aux pesticides chimiques soupçonnés d’être perturbateurs endocriniens.
  • Aérer régulièrement son intérieur pour évacuer les polluants issus des meubles, peintures et matériaux textiles.
  • Éviter les ustensiles de cuisine antiadhésifs abîmés contenant des PFAS, comme le téflon.

Ces gestes, même s’ils paraissent anodins, font toute la différence sur le long terme. La prise de conscience individuelle est une première étape essentielle, mais elle doit aussi s’inscrire dans un cadre collectif guidé par des politiques de santé publique ambitieuses.

Quelles perspectives pour la réglementation ?

Face aux preuves scientifiques croissantes, plusieurs institutions, dont l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou l’Anses en France, ont renforcé leur surveillance des perturbateurs endocriniens. Le BPA, par exemple, a été éliminé des contenants alimentaires pour nourrissons, et d’autres substances font désormais l’objet de restrictions.

Cependant, la réglementation peine à suivre l’évolution rapide de l’industrie chimique. Certaines substances interdites sont souvent remplacées par d’autres moins étudiées mais potentiellement aussi nocives. C’est le cas du bisphénol S (BPS), substitut au BPA dont des études récentes suggèrent un profil de toxicité comparable.

Les chercheurs et ONG plaident pour une approche plus globale, basée sur les effets combinés et l’exposition « multicanale » aux perturbateurs. La présence simultanée de plusieurs composés dans le corps humain — effet cocktail — augmente leur impact biologique, même à faibles doses.

L’importance de l’éducation et du suivi médical

Face à des substances invisibles et omniprésentes, il est essentiel d’améliorer la sensibilisation du grand public. Les professionnels de santé ont un rôle clé à jouer dans cette démarche. Informer les patients, notamment les femmes enceintes et les jeunes parents, sur les risques des perturbateurs endocriniens peut s’intégrer à des consultations de prévention.

En parallèle, le développement de biomarqueurs et de tests d’imprégnation chimique pourrait bientôt permettre de mesurer l’exposition individuelle à ces substances, ouvrant de nouvelles perspectives en médecine personnalisée et en cancérologie préventive.

En définitive, bien que l’exposition aux perturbateurs endocriniens ne soit pas totalement évitable, une combinaison de gestes quotidiens, de politiques publiques cohérentes et d’avancées scientifiques permettrait de réduire significativement leur impact sur le développement de certains cancers.

By Anne